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Concentré d'adolescence.
13 février 2012

#24

Je fuis ce que je suis. 


Ça aurait pu être simple. J'aurais pu rester avec B. Lui tenir la main, le regarder droit dans les yeux. J'aurais pu être heureuse, passer ma main dans ses cheveux, rester dans ses bras et me dire que c'était ce qu'il y avait de mieux. Pour moi. Pour lui. Pour eux. J'aurais pu l'embrasser, danser avec lui, passer des nuits dans son lit, et me dire que c'était ça la vie. J'aurais pu le présenter à mes amis, à mes parents, à ma sœur. Le présenter fièrement comme mon amoureux, mon chéri, mon petit ami. J'aurais pu marcher dans la rue, son bras droit autour de mes épaules. J'aurais pu recevoir des compliments sur le couple mignon qu'on formait. Et j'aurais même peut-être pu lui chuchoter à l'oreille << Je t'aime >>.




Sauf qu'il  y a eu C. Des cheveux courts et bruns, des yeux clairs, un corps maigre prêt à se casser, un sourire omniprésent, des doigts fins et un rire exquis. Il y a eu C, et ses lèvres sur les miennes. Comme ça, pour rire. On était pointé du doigt pour notre côté garçon manqué, et on en riait, on en jouait, on s'amusait, parce qu'on pensait que ce n'était pas vrai. Il y a eu ses lèvres sur les miennes, et j'ai compris. Pour les papillons dans le ventre. Le cerveau qui ne commande plus rien. Les poils qui se hérissent et l'envie de crier au monde entier ce que je ressentais à ce moment précis. Mais j'étais pas capable de mettre des mots sur ça. Et le monde entier aurait ri de moi. 




Alors je me suis tus. Je ne suis pas restée avec B. Je ne pouvais plus. A ce moment là, je crois qu'il me répugnait. Et que sa main dans la mienne était devenue insupportable. Mais je n'ai rien dit de ce qu'il se passait. La peur au ventre. En me regardant dans le miroir, j'ai vu ce que je ne voulais pas être. J'ai vu ce que je suis pourtant. J'aurais pu tout faire pour changer. J'aurais voulu ne jamais avoir été en contact de ses lèvres, ne jamais avoir connu les papillons dans le ventre. Les oublier, les brûler. Mais chaque fois, elle recommençait. Toujours pour rire. A chaque soirée, après quelques verres d'alcool. C'était drôle, d'après elle. C'était beau, d'après moi. Mais ça, elle ne le savait pas. 




A la rentrée 2009, je me suis retrouvée dans sa classe. 3èmeA. C s'était mise à côté de moi. J'avais senti son parfum, sans la regarder. Je me détestais. Elle, elle était heureuse, parce que c'était la première fois qu'on était ensemble. Moi je ne pouvais pas jeter un regard vers elle sans penser à ses lèvres. Et ça me tuait. Et puis, quand je rentrais, elle était dans chacun de mes gestes, chacun de mes textes, chacune de mes phrases. Ça me pétrifiait. Garder le silence sur tout ça, c'était le plus dur. Mentir. Sourire. Toujours. Il faut sourire pour cacher. 




Noël 2009, j'ai parlé pour la première fois. J'ai ouvert le tiroir fermé à triple tour. J, elle était là, elle m'écoutait. Elle ne disait rien. Et puis, j'ai eu les larmes qui sont montées. Parce que c'était douloureux, de parler de ça. Et, quand je me suis arrêtée, elle m'a dit << Je le savais, tu sais. Et t'as rien à te reprocher. L'amour, il peut avoir n'importe quelle forme, il sera toujours beau. Et que tu sois homosexuelle ne change rien à qui tu es. >> Cette phrase, elle m'avait déchiré. Le mot "homosexuelle", je m'étais forcée à le tenir très loin de moi. Je ne voulais pas, c'était impossible, ce n'était pas moi. 


Un jour, j'ai décidé d'accepter. Pas le fait qu'il était possible que le mot "homosexuelle" puisse m'être attribué. Non. Ça, c'était inconcevable. Mais j'ai accepté que C pouvait être plus qu'une simple amie. Plus que ma voisine de table des cours d'S.V.T. J'ai décidé d'en parler. D'ouvrir les vannes et de laisser se répandre mes sentiments aux oreilles de gens que je croyais assez intelligent pour comprendre, et me supporter. J'ai du vite me rendre compte que je m'étais trompée de personnes. J'ai subi les premières moqueries, remarqué les premiers regards de travers. J'avais envie de leur arracher la tête. Expliquer qu'on ne choisit pas aurait été trop peu. Expliquer que ça m'était tombé dessus, que je me détestais, que c'était dur, ils s'en moquaient. J'ai encaissé. En silence.


L'été est arrivé. La vérité aussi. J'ai vidé tout mon sac aux pieds de C. Elle m'a fixé, les yeux plein de questions. Je me souviens de son regard, quand j'ai prononcé les mots << Je suis amoureuse de toi. >> Elle m'a dit que j'étais son amie. Qu'elle ne m'en voulait pas, qu'elle acceptait. Que ça ne changeait rien. Mais ça avait changé. C'était évident que ça avait changé. Pour les soirées téléphones qu'on ne faisait plus, pour ses lèvres qui ne me touchaient plus. Pour les rires qu'on ne partageait plus. Il y a eu de la gène, je crois. Elle disait qu'elle ne me laisserait jamais tomber, mais c'était faux, elle l'a fait, inconsciemment peut-être, mais elle l'a fait. Mais je ne lui en voulais pas. Je m'en voulais à moi. Et quand elle est réellement revenue, quelques mois plus tard, elle m'a dit d'accepter ce que j'étais. 




J'ai réussi tant bien que mal à tourner la page C. Ca a mis presque deux ans. Entre silence et angoisse. Parfois, se chercher est une épreuve compliquée. Parce qu'on piétine, qu'on tourne en rond, qu'on se lasse et qu'on se perd parfois. Mais lorsque que l'on se trouve, et que notre vérité est exposée sous nos yeux, ça peut être bien pire encore. Maintenant, je sais ce que je suis.
 


                                    Je suis ce que j'ai fui.

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Commentaires
C
Magnifique.Un des textes les plus beaux du blog.
Concentré d'adolescence.
  • Melting pot de rêves, de souvenirs et d'envies d'adolescents anonymes. Pour me contacter, bub.lies@live.fr. Je publie tout, tant que ça vient des tripes (j'accepte aussi les photos, dessins...). N'hésitez pas à commenter, "aimer" ou partager!
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