#12
La mémoire est un joyau de l'esprit humain. Immergé dans l'abîme du temps, des bribes, des strates, suspendus, figés caressent l'échine du passé. L'on se délecte alors de l'ivresse des instants, noyé dans les pupilles d'une affreuse mélancolie qui nargue le présent. Pourtant, on se laisse enivrer par ses douces illusions, sublimant ce que l'on a perdu, laissé, parant de mille perfections les tristes cadavres du temps, ignorant la chaleur de l'instant. Infirmé dans une bulle fictive et intemporelle, nourrit d'événement transfigurés et fantasmés.
L'inconfort du présent.
Tels un flux liquoreux qui nous fend les tripes, nous déchire la panse, mais que l'on laisse couler pour épancher notre inébranlable soif d'harmonie entre ce qui nous a façonné et ce qu'il adviendra.
Rongés par nos futiles tergiversations intérieurs, d'absurdes regrets qui nous font oublier que notre dessein n'est point de regarder impuissant la fuite d'une trotteuse malveillante, mais de s'abandonner aux bras d'une déesse éphémère. Traîtresse.
Une fugue sans fin, une fuite inaltérable, une sirba effrénée, traqué par son histoire, étourdi par les vertiges de la postérité.